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Le Trésor des Laures
8 avril 2021

2003, chapitres 1 à 3, TOME 1

 

2003

  

1

  

Mi-Février 2003

Alicia vient me voir, elle a deux jours à me consacrer pendant ses vacances. Elle est prête à m’aider à trouver ce qui dans mon histoire serait le traumatisme éventuellement à l’origine de mon état de santé. J’ai beau plonger dans mon journal, dans ses notes généreusement prêtées, cela reste confus même si dans le domaine symbolique c’est d’une richesse incroyable. D’autant que mes guides continuent à m’enseigner et c’est comme si ce qui m’avait été confié pour Mandro m’était maintenant dévoilé mais avec l’obligation de le transmettre de façon élargie par l’écriture. 

Les enfants sont chez des amis ou en stage, Georges est totalement absorbé par ses obligations et ses soucis professionnels. Il est bougon, irritable, mais il m’a dit tenir à moi quand je lui ai proposé de partir avec juste de quoi vivre en lui laissant tout le reste, et surtout nos enfants dont je suis incapable de m’occuper seule. Il connaît l’essentiel de ce qui me relie à Mandro et sans le comprendre  qui le pourrait ?  il le respecte. Passé un premier élan de jalousie bien compréhensible, il admet qu’il s’agit d’autre chose que d’un amour banal, il m’écoute ou me lit attentivement. J’ai beaucoup de chance ! Il attend avec curiosité que je partage la partie « connaissance » dont je lui ai confié certains éléments qui l’ont beaucoup étonné et intéressé.

Lorsqu’Alicia arrive le samedi en début d’après-midi, Georges l’accueille gentiment et nous laisse après le café pour aller faire sa sieste. A sa demande, je raconte à Alicia les dernières péripéties de ma vie. Je vis au jour le jour en utilisant au maximum le peu d’énergie dont je dispose : un quart d’heure d’activité modérée alternant avec dix minutes de repos allongé ; une demi-heure de sieste le matin, une autre l’après-midi et coucher à 20H. Les moments les plus difficiles sont les repas. Heureusement Georges et les enfants aident énormément et comprennent que je quitte la table en général avant le dessert.

Je n’ai pas supporté le premier traitement prescrit par le cardiologue, mais j’en commence un autre pour augmenter ma tension. C’est un tout nouveau médicament uniquement disponible à l’hôpital. Je dois augmenter très progressivement jusqu’à obtenir une tension normale, en général trois comprimés suffisent, j’en suis à quatre.

J’ai eu des rendez-vous d’expertise, Georges m’a accompagné à chaque fois, chauffeur attentif et respectueux. Le premier, expert d’assurance, un vieux médecin en semi-retraite m’a bien examiné sous toutes les coutures. Il n’a pas compris lui non plus la cause de mon état, mais très professionnel il m’a dit que je devais garder espoir – ce qui grâce à mes guides ne me manque pas  – poursuivre les examens et revenir le voir dans trois mois. 

J’ai aussi rencontré les médecins-conseils qui connaissaient bien Georges dans le cadre de leurs activités, deux le même jour. J’avais déjà rencontré la première sur les lieux de mon travail et son contrôle de nos activités s’était globalement bien passé, elle avait beaucoup de sympathie pour mon chef, le Docteur Mario. Elle était proche de la retraite et c’était donc un médecin d’expérience. Émue par mes problèmes que lui avait confiés Georges, bien qu’elle ne soit pas en charge de mon dossier, elle m’a offert de son temps pour faire le point sur mon histoire médicale, mais comme j’ai eu pas mal de péripéties depuis ma jeunesse, elle a vite saturé. Au bout d’un quart d’heure son diagnostic était fait : c’était parce que j’avais été une enfant maltraitée ! Elle a été rassurée lorsque je lui ai dit que j’avais rendez-vous avec un psychiatre. 

Le deuxième médecin-conseil était chargé de contrôler la pertinence de mon arrêt de travail. Il m’a dit être un ami de Georges et très peiné par nos épreuves liées à ma santé. Il a lu les courriers de mes médecins, vu mon dossier… et il m’a raconté son histoire personnelle, en effet impressionnante. Il allait beaucoup mieux, après avoir frôlé la mort, depuis qu’il était séparé de sa femme. En conclusion il était persuadé que si j’étais si malade, c’était à cause de Georges et donc que je devais le quitter ! Je dois le revoir dans quelques mois si je ne reprends pas le travail avant.

– Comme traitement, il t’a conseillé le divorce ? dit Alicia étonnée. Tu parles d’un ami !

– Et oui ! Mais comme je veux guérir et que je suis prête à regarder en face tout ce qui concerne ma vie, je me suis quand même posé franchement la question au sujet de Georges. La réponse est claire pour moi, il est et reste mon meilleur ami et si notre vie de couple est loin d’être facile tous les jours, je sais – et mes guides me l’assurent régulièrement –  qu’il est l’homme de ma vie, « celui dont j’ai besoin à mes côtés pour que mon destin se réalise ». Quant à la maltraitance, elle est un fait que je ne peux changer, l’ajustement de la relation avec mes parents est fait depuis longtemps et en grande partie grâce à Georges. Heureusement nous avons passé un bon moment drôle puis très tendre quand je lui ai raconté mes entrevues d’expert et mes conclusions.  

– Je suis contente pour vous. Et le psy, c’est pour quand ? demande Alicia.

– C’est en cours. Mon premier rendez-vous avec la psychiatre, conseillée par une relation de Georges, psychiatre lui aussi, ne s’est pas très bien passé. Il n’a duré que vingt minutes, elle voulait que je reste assise. Elle a fini par accepter que je m’allonge sur son petit relax quand je lui ai dit que ce n’était pas possible pour moi. Toute fine avec de très, très longs cheveux, elle a mon âge. Dès le début elle semblait renfrognée, perdue dans son immense fauteuil –  ou dans ses pensées, sans me regarder. Je lui ai dit que j’avais besoin d’un diagnostic psychiatrique et éventuellement d’un traitement pour tenter de guérir parce que pour l’instant on ne trouvait pas de cause organique. Elle n’a pas apprécié, elle m’a dit qu’elle n’aimait pas les diagnostics, mais que nous allions essayer de voir ensemble. Je suis restée évasive pour ne pas la noyer dès le début et nous avons échangé beaucoup de silences, je ne sais pas où cela va me mener.

– C’est sûr que ce n’est pas facile, remarque Alicia, mais tu peux considérer ces rendez-vous comme un vrai travail d’introspection et choisir de l’utiliser en lui racontant franchement les faits. Je peux t’aider à en établir la chronologie si tu veux.

– Bonne idée, tu connais si bien mon histoire ! Quand je m’y replonge, c’est tellement riche que je risque de m’y perdre. D’autant que selon mes guides je dois acquérir personnellement les éléments de connaissance transmis au départ pour Mandro. Mais pour la psy il faut plutôt que je m’attache aux événements concrets.

Alicia acquiesce en silence. Je prends une grande respiration et je me lance :

– Je vais droit à l’essentiel. Tout commence au printemps 98, je suis brutalement saisie par un pressentiment de danger lié à Toulouse, pour Mandro. Georges ne pouvant s’y rendre j’y vais avec lui, la peur au ventre. Il se comporte de façon très correcte et professionnelle. Il a dix ans de plus que ce que nous imaginions. A l’époque je lutte contre mes sentiments amoureux pour un jeune collègue, Fabrice. J’ai appris à me relier à mon Bien-aimé intérieur pour éviter de projeter mon amour sur lui, mais c’est difficile car il est vraiment mon type d’homme et il est très prévenant envers moi.

– C’est vrai et en plus c’est un très bel homme ! Je crois d’ailleurs que cette lutte contre tes sentiments pour lui t’avait rendu malade…

– Ah oui, j’avais eu une labyrinthite pendant environ un mois et j’avais appris à dessiner des labyrinthes.

– Moi aussi, grâce à toi. Poursuivons, après le voyage qui finalement s’est bien passé, tu as cru que c’était fini. Mais une présence s’exprimant en toi t’a demandé d’intervenir pour le sauver, le danger toulousain persistait. 

– Tout à fait et donc en juin, suivant ma simple intuition qu’il avait mal vécu le décès d’un proche, je lui écris pour lui proposer de participer à une enquête sur le deuil dans le cadre du mémoire universitaire que je prépare. Ce sera ma seule initiative personnelle, toutes mes autres interventions seront dictées par mon guide principal qui à ma demande insistante m’a donné son prénom. N’ayant entendu que le son "i", je le nomme Jil.

– Mandro ne te répond pas, ajoute Alicia. Mais tu rêves de lui, cavalier égaré que tu dois aider à trouver son royaume sans en connaître le chemin et sa reine bien-aimée. Tu te souviens, tu as bloqué sur l’aspect désuet de ce rêve.

– Heureusement que tu m’as éclairée ! En été, j’espère que son absence de réponse va mettre fin aux avertissements de danger, mais lors d’un cauchemar je le vois se blesser une main assez sérieusement. Et il m’apprend au téléphone peu après que c’est exactement ce qui s’est passé. Je suis bouleversée, j’accepte le contact et les consignes de Jil pour le « sauver ».

– Les enseignements de ton guide commencent alors, dit Alicia. Je me souviens de ton impressionnante activation psychosensorielle, ce que les Anciens nommaient Sensorium Dei parce que chaque sens devient important pour vivre une situation, ce processus permet d’accéder au « centre » relié à une dimension transcendante. Dans ton cas, Jil t’a fait revivre ton fameux voyage à Toulouse avec Mandro. 

– Ce qui en effet a réactivé le contact avec mon Bien-aimé intérieur qui dure encore aujourd’hui. Et Jil m’a demandé « d’apprendre à aimer », moyen selon lui d’agir pour « sauver » Mandro, alors que j’aime Georges, mes enfants, que je suis amoureuse de Fabrice et que Mandro n’est pas du tout mon type !

– Ah l’Amour, avec un grand A, on n’en fait jamais le tour, s’exclame Alicia d’un air théâtral, ce qui nous fait sourire.

– L’enseignement d’amour est alors quasi cosmique, dis-je, Jil me fait découvrir au solstice d’été un lieu en ruines au sud de Toulouse, qui a des propriétés particulières sur la perception de l’espace et du temps, lorsqu’on est en état d’amour, donc réceptif à une forme de communion universelle. De même j’ai eu une expérience spirituelle forte en posant les mains sur une Pierre dont Jil m’avait donné l’image et la consigne pour la trouver.

– Ah oui, c’est là, dit Alicia en ouvrant mon journal contenant un dessin de cette pierre. Tu as écrit que c’était une vraie rencontre et la porte qui t’a fait entrer dans un autre monde où masculin et féminin sont unis depuis les origines, comme tout dans la création. Union des contraires, des complémentaires en somme.

– C’était fabuleux. Jil était aussi parfois plus concret. En particulier il m’a fait revivre un accident de voiture, il fallait « libérer l’énergie » d’un jeune homme, énergie restée bloquée dans cet accident. C’est aussi ce que j’ai fait ensuite pour moi, grâce à mes guides, qui m’ont appris à cette occasion que je suis une « Femme Ordinaire » et que je dois me garder d’expérimenter d’éventuels pouvoirs psychiques sous peine de me mettre en danger. 

– Certes, mais le jeune homme était Mandro ! ajoute Alicia, malicieusement.  

– Apparemment, mais je ne sais pas si c’était son accident, puisque si je l’ai revu régulièrement, il s’est gardé de tout échange personnel. Il parle uniquement de ses affaires ou discute seulement avec Georges.

– Jil t’avait dit qu’il était coriace, remarque Alicia. 

– Oui et aussi qu’il était mon Maître, ce qui veut dire que je devais m’adapter à son rythme et au niveau de relation qu’il établissait.

– J’aurais préféré que tu provoques une réaction, dit Alicia, mais le résultat semblait plutôt favorable. Tu avais beaucoup changé, tu avais perdu dix kilos sans effort, tu rayonnais littéralement et tu vivais dans une autre dimension où tu recevais les consignes et enseignements de Jil pendant que toutes les contraintes de ta vie s’aplanissaient et que ta santé fragile s’améliorait. On peut difficilement demander mieux ! Je t’ai vraiment enviée à ce moment-là. Mais je n’ai pas ton courage ni ton instinct de soignante pour accepter de parcourir ce chemin si mystérieux.

– Tu sais, quand les messages s’imposent à toi de l’intérieur, et que, soit tu obéis soit tu es malade, finalement le choix est simple ! Et ce n’était pas sans lutte de ma part. La plupart du temps, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, mon état alternait entre des moments fabuleux, parfois extatiques et d’autres terribles, de doute ou de rébellion désespérante. Je n’étais bien qu’en agissant avec Jil, en union avec mon Bien-aimé. Heureusement Georges a beaucoup changé aussi cet été-là et j’étais bien avec lui. 

– Certes, jusqu’à ce qu’en octobre, remarque Alicia reprenant ses notes, il s’inquiète au sujet de détails mal compris concernant l’investissement réalisé sur Toulouse. Il envisage même de porter plainte, ce qui t’oblige à reprendre contact avec Mandro.  Après leur rencontre en ta présence où il aplanit le malentendu, Jil te dit qu’il devrait « s’approprier la maison » de sa mère. Tu lui envoies à la demande de Georges des papiers et tu y joins des infos pour une aide aux travaux. Peu de temps après, un nouvel envoi de documents est nécessaire, Jil insiste sur la notion d’un décès proche (sa mère ?) alors qu’il est toujours révolté par la mort (problème passé pour lui et/ou à venir). Tu y joins une référence sur le deuil et la fin de vie. Et Mandro ne te répond toujours pas.

– Oui, mais fin 98, je me sens aimée en profondeur et j’apprends à ne plus m’identifier à mes états d’âme. Je m’efforce d’accepter la situation présente comme elle est même si les apparences ne sont ni raisonnables ni honorables. J’attribue cette évolution au travail spirituel et à l’action directe de mes guides, Jil et mon Bien-aimé, qui me relient à l’Énergie supérieure de la vie. Je vois mes pensées sous forme d’une énergie utilisée dans l’intérêt de Mandro et je me sens comme une « médiatrice » de l’Amour Universel. Mandro m’est présenté comme un compagnon spirituel sur la voie d’évolution qui nous réunit jusqu’à ce qu’il soit à sa « juste place », comme dans mon premier grand rêve du cavalier égaré. Et de toutes façons, quand je refuse la situation ou mon rôle, mes douleurs s’aggravent, aussi je peux te dire que je reviens vite sur ce chemin ! Je m’efforce d’ÉCOUTER les messages de mon corps pour le gérer au mieux. 

– A cette époque, reprend Alicia, tu fais plusieurs expériences de labyrinthe, dont tu avais découvert le tracé à la suite de ton coup de foudre pour Fabrice, sans vraiment l’expérimenter. Tu constates que selon ton état d’esprit de départ, c’est à chaque fois différent. Le labyrinthe semble un amplificateur psychique et peut donc être dangereux.

– Oui, à un moment, je ne comprenais pas encore bien la nature de cet amour envahissant pour Mandro et je voulais lui rogner les ailes en le cadrant dans des limites dignes de femme mariée ! J’ai découvert avec un cauchemar labyrinthique que je ne peux limiter la force vitale de l’amour qui s’exprime en moi : je dois rester centrée en éprouvant le lien transcendant avec mon Bien-aimé pour progresser à la verticale (monter en conscience) tout en laissant rayonner cette énergie à l’horizontale autour de moi.

– Je me souviens, tu rayonnais littéralement ! remarque Alicia. 

– Par ailleurs j’étais quand même frustrée, les clés du mystère de la voie de Réalisation spirituelle sur laquelle cette histoire me propulsait semblaient liées à Mandro et à son histoire personnelle. Je pensais alors que lui seul pouvait m’aider à comprendre... 

– Oui, dit Alicia, mais en fait l’évolution spirituelle était pour toi, pour lui il s’agissait d’autre chose que tu ne saisissais pas encore.

– En effet, j’évoluais lorsque j’acceptais mon rôle : servir dans l’amour en lien avec mon Bien-aimé. J’ai appris que seule la voie du cœur permet d’obtenir le plus précieux, l’harmonie entre toutes les dimensions de sa vie. J’étais liée à Mandro, d’une façon qui m’apparaissait « karmique », jusqu’à ce que nous prenions conscience de la nature de ce lien entre nous et parvenions à nous libérer si nous ne pouvions ou ne voulions l’assumer. En attendant, j’apprenais la patience et la confiance en ce processus qui me dépassait et se servait de moi tout en favorisant mon évolution intérieure.

– C’est le moins que l’on puisse dire, s’exclame Alicia. Je me souviens d’une sorte d’extase…

– Ah oui, c'était le jour de l'Hiver, je me baladais non loin de chez Mandro. J'ai ressenti un accord parfait avec la Nature quand soudain pour moi, LE TEMPS S’EST ARRÊTÉ. Dans un sentiment d’amour océanique venant du Très-Haut, un symbole d’une force inouïe m'a submergée, me laissant sans mot, sans pensée, dans une plénitude infinie. Il m'en reste une vision magique : la Nature exprimant la quintessence de l’Harmonie suprême manifestée dans la réalité d’un paysage superbe, par l’Union de la Pierre, de l’Eau, de l’Arbre et du Soleil sur un même axe.

– Harmonie cosmique, conclut Alicia. Et en cette période bien remplie par la préparation des fêtes, ça tombait bien. Habituellement tu n'aimais pas la fin d’année et sa frénésie de consommation festive. Tu as vécu au contraire une période de grande sérénité.

Numériser 9

– Oui, jusqu’à ce que Jil exerce sur moi une pression constante pour transmettre un autre message à Mandro, accompagné d’une bougie et de huit allumettes disposées en étoile ! Cela me semblait fou, mais selon Jil c’était pour qu’il découvre le moyen de recevoir par lui-même ce qu’il voulait lui transmettre. Le symbole de l’étoile de huit allumettes reliait un souvenir passé (un feu ?), le présent (la bougie à utiliser) et le futur (un incendie à Toulouse ?).  

– Le fameux danger lié à Toulouse, remarque Alicia, qui s’est confirmé d’ailleurs, mais ne brûlons pas les étapes. Et nous cherchons dans toutes ces étapes de quoi te guérir...

– A ce moment, je me suis de nouveau révoltée. J’étais habituée à cette forme d’Amour-énergie dirigée vers Mandro. Et son silence en ce qui concernait les messages transmis me protégeait de son jugement. Mais là c’est sûr, il allait me prendre pour une folle !

– C’est alors que tu découvres tout à fait par hasard la biographie de personnes ayant vécu le même type d’aventure. En particulier cette femme du XVIIIème siècle, Jeanne-Marie Guyon qui à dix-huit ans s'éveilla sous « l'influence de la grâce divine » à une vie intérieure et fut dirigée ensuite sur « les sentiers de l'amour divin ». Vers quarante ans elle fut en lien avec Fénelon, docteur en théologie et précepteur à la cour de Louis XIV. Il devint célèbre après avoir publié Les aventures de Télémaque. Madame Guyon vécut avec lui, pourtant très réticent au départ, une union spirituelle sous forme de prière silencieuse transmise de cœur à cœur. 

– Oui, c’était exactement ce qu’il me fallait à ce moment. En l’absence d’attirance réciproque entre eux, Madame Guyon reçoit des visions concernant Fénelon tandis qu’elle médite. Son consentement lui est demandé par le biais de voix intérieures. Elle le donne et est alors investie d’une sorte de « mission » de filiation spirituelle. Ne pouvant résister à cette pression, elle finit par écrire à Fénelon ce qui lui est demandé, espérant qu'au-delà de son expression personnelle limitée par ses pauvres capacités, il saura discerner ce que Dieu lui donne. Elle se sent comme une médiatrice et tout comme l'ont éprouvé d’autres personnes engagées dans cette voie de service spirituel, si elle ne fait pas ce qui lui est demandé par obéissance, elle se sent mal et va mal.

– Exactement comme toi, reprend Alicia, je comprends mieux pourquoi tu as transmis ce message à Mandro, avec la bougie et les allumettes ! Et en même temps un message destiné à un écrivain célèbre dont tu avais rêvé.

– En effet, dans mon rêve, cette personne était « prévenue »…

– De quoi ? demande Alicia.

– Je ne savais pas alors, mais si j’étais bien consciente de la folie apparente de mes actes, à ce stade de l’histoire, je n’avais pas le choix, ma santé était en jeu si je refusais, elle s’améliorait en acceptant le « service ». Par ailleurs, mes guides me rassuraient, selon eux, Georges était bien « l’homme de ma vie ». Mandro n’a pas répondu, comme à son habitude, ce que je comprends parfaitement, mais contre toute attente, l’écrivain célèbre, Annick de Souzenelle, m’a contactée.

– Tu me raconteras ça plus tard, dit Alicia en regardant l’heure. Aujourd’hui c’est moi qui prépare le dîner, repose-toi un peu.

Georges attiré par le bruit dans la cuisine la rejoint et lui sort les différents ustensiles dont elle a besoin. Puis il vient me voir avec un grand sourire et je suis heureuse de le voir ainsi. Une demi-heure plus tard, Alicia et Georges me rejoignent dans le salon avec des plateaux. Alicia dit :

– Nous allons diner ici, sur la table basse. Tu pourras t’allonger quand tu en auras besoin et rester près de nous.

   

2

  

Grâce à Alicia le repas est animé, Georges aime « refaire le monde » et s’en donne à cœur joie car elle a de la répartie. Je les quitte en début de soirée. Le lendemain matin, nous nous retrouvons pour le petit déjeuner, Georges dort encore. Elle me dit :

– J’ai repensé à la période que nous avons évoquée hier, fin 98, début 99. Tu as vécu pleinement ce que Jung appelait la « synchronicité », quand les événements extérieurs sont en correspondance avec ce qui se vit intérieurement. Sur la voie de la Réalisation de soi, l’Individuation, on devient très sensible au phénomène et cela permet d’avancer en sécurité.

– C’est en effet très mystérieux, mais aussi rassurant. Cela m’a beaucoup aidé aussi bien dans mon travail que pour ma « mission » envers Mandro. D’ailleurs après lui avoir adressé le message de la bougie et des allumettes disposées en étoile à huit branches « reliant passé, présent et futur », je me suis sentie profondément apaisée, sereine. Et j’ai commencé à utiliser la bougie pour « méditer » comme Jil le souhaitait pour Mandro. 

« J’ai aussi cherché d’autres références pour me guider objectivement après la découverte bouleversante du livre évoquant Madame Guyon. Mais l’essentiel des écrits « inspirés » émane des hommes. De plus, de gens coupés de la vie ordinaire ou fuyant le sexe opposé. Et je suis une « femme ordinaire », j’ai bien compris que telle est ma voie pour ma sauvegarde. J’ai cependant apprécié Maître Eckhart, qui en particulier parle du détachement : le détachement est au-dessus de l’amour, de la compassion, de l’humilité. Je n’en étais pas là, j’étais plutôt dans l’union de toutes les composantes de l’amour, qu’elles soient érotique, fraternelle ou divine. 

« J’étais attentive aux signes, aux événements, aux exigences de la vie car ma voie est simplement ici, dans mon quotidien tel qu’il est et que je dois assumer pleinement d’instant en instant.

« J’apprenais grâce à mes guides à ne plus me reprocher ce que je suis, ce que je fais ou non, sachant que je ne peux évoluer ainsi. Seul un changement de perspective pouvait résoudre les contradictions de ma situation. Si je souffrais d’amour, c’est que je n’aimais pas encore assez. Le véritable amour libère de la souffrance en faisant entrer dans la communion des âmes.

« Et selon l’expérience de Madame Guyon, la docilité lucide mais totale à l’Inconscient semblait, dans cette histoire, être la suprême Sagesse qui mène à l’Esprit.

– Magnifique, s’exclame Alicia. Je me souviens de ce que tu avais écrit à la fin d’un texte inspiré par Le Petit Prince de Saint-Exupéry : seule la voie du cœur comble l’homme, elle lui permet d’obtenir le plus précieux, la cohérence dans toutes les dimensions de sa vie.

– Voilà, je suis sur « la voie du cœur » et c’est peut-être parce que je me suis égarée que je suis malade aujourd’hui ! 

– Nous cherchons une « sortie de route » dans ton histoire ? demande Alicia.

Nous en avons ri et avant de replonger dans nos notes, Alicia propose de sortir dans le jardin pour une balade. La matinée est superbe et le soleil déjà haut, pendant un quart d’heure nous apprécions ce bain de nature avec tous nos sens ! Manifestement mon traitement me donne un peu plus d’autonomie, même si en rentrant je suis essoufflée et dois m’allonger rapidement.

A notre retour, Georges est levé, il se prépare à partir chercher les enfants, il ne reviendra pas avant la fin de journée. Il embrasse chaleureusement Alicia en la remerciant pour la soirée passée en sa compagnie et nous souhaite une bonne journée après m’avoir pris dans ses bras, embrassée avec amour et murmuré un « je t’aime » tendre. Dès qu’il nous quitte, Alicia me dit :

– Tu en as de la chance, après autant d’années de mariage, vous êtes un vrai couple. Et vos épreuves semblent vous renforcer au bout du compte. Bon reprenons le travail.

– Nous en étions à ma recherche d’ouvrage de références. Le hasard m’en a offert un. Lors d’un diner amical en tout début d’année 99, l’un des convives, un artiste sculpteur s’est mis à parler de l’amour selon Platon dans Le Banquet. C’était une forme de réponse à mes questions concernant l’amour hors normes pour Mandro. Il nous a raconté les origines d’Éros, dieu de l’Amour.  Pour les Grecs, Éros est le fils du manque (pauvre de tout, toujours en désir, en quête) et de l’expédient (plein de ressources et de capacités d’évolution). Et en effet, l'amour nous confronte à l’expérience du manque et à la souffrance qu’il engendre, mais il nous invite aussi à la quête du beau grâce à la force du désir poussé jusqu’à la transcendance, au-delà de la Beauté éternelle, du Bien. Là où se trouve finalement l’unité, le « Un » ou Dieu selon les croyances.

« Éros fait éprouver la passion dans le manque, le désir inassouvi. Sous un autre aspect, il procure l’amour bienveillant et généreux (Philia en grec) pour celui ou celle qui nous est aimable (l’enfant, l’ami, le conjoint). Enfin sous sa forme la plus élevée, il nous conduit à l’amour divin (Agapé en grec, Caritas en latin), l'amour pour l’autre, l’étranger. Cet amour véritable n’est pas déterminé par la valeur de ce qu’il aime, sans motif ni justification, il est gratuit, spontané et délivré de l’attachement qui fait tant souffrir. Cet amour fait renoncer à soi-même pour laisser exister l’autre selon sa valeur propre ainsi révélée.

– Superbe ! Le Banquet est un grand classique, remarque Alicia, que nous devrions relire de temps en temps. Platon, un ami pour la vie !

– C’est tout à fait ça, j’étais comblée et c’était pour moi un profond soulagement, une joie immense comme si dans ma nouvelle dimension, je découvrais des amis qui validaient ce que je vivais. Nous en avons d’ailleurs discuté avec Georges, lui aussi a apprécié et cela nous a rapproché encore. Je me suis dit que j’étais sur la voie de la compassion, sentiment méconnu, souvent décrié mais capable de voir en l’autre le reflet de l’être dans sa plénitude et donc de l’accueillir dans sa vérité sans rien exiger de lui.

– Cela c’est pour la partie théorique, dit Alicia, mais il me semble que tu as rencontré l’auteure qui était « prévenue », Annick de Souzenelle.

– Oui, je n’espérais pas de réponse d’une personne aussi connue. Je pensais que si la mission envers Mandro m’avait été présentée comme difficile, celle-ci relevait sûrement de l’impossible. Or contre toute attente, en réponse à ma lettre cette écrivaine-conférencière pourtant très sollicitée m’a invitée à venir la voir. J’ai passé une heure délicieuse à ses côtés, elle m’a questionnée avec délicatesse, et nous avons été très rapidement sur la même longueur d’onde. Je lui ai parlé des derniers événements de ma vie en rapport avec Mandro. Elle semblait me comprendre comme si elle lisait en moi. Elle a employé les mots de mes guides, amour, confiance et obéissance aux consignes du monde spirituel. Elle était effectivement « pré-venue », c’est-à-dire venue avant dans la dimension spirituelle et grâce à elle j’ai compris la validité des enseignements de mes guides et surtout que pour les comprendre il fallait sortir des sentiers battus et du premier degré ! Elle m’a embrassée au moment de partir pour une conférence à l’étranger, c’était émouvant. 

– Sur quoi sa conférence ? demande Alicia.

– L’essentiel de son travail porte sur les enseignements traditionnels judéo-chrétien en remontant à la source hébraïque pour ce qui concerne les étapes de la vie, le symbolisme du corps, son image spirituelle (principalement sous forme d’un « arbre de vie »).

« Pour elle, d’après ce que j’ai compris, l’inconscient est appelé « l'inaccompli », il est le lieu d'un potentiel inaccompli, de lumière non encore montée à la conscience, prisonniers que nous sommes de nos ténèbres psychiques nous soumettant à nos conditionnements familiaux, pour ne pas dire générationnels et enfin à nos pires instincts animaux. Comme Jung, elle dit possible et souhaitable d'établir une communication avec l'inconscient pour justement ne pas en être le jouet et en recevoir ce qui est nécessaire à notre montée en conscience, vers « l’accompli ».

– Vaste programme, remarque Alicia.

– A qui le dis-tu ! Après cette entrevue fabuleuse, je savais que j’avais été bien guidée et même si cela m’entraînait sur des chemins inconnus, j’étais probablement sur la bonne voie. Je me demandais si Mandro allait lui aussi me contacter et quel intérêt pourrait avoir pour lui ou pour la suite, cette piste d’une tradition hébraïque qui ne me semblait pas non plus faire partie de sa tradition familiale. A mon retour, Georges m’apprit que Mandro avait effectivement téléphoné. Il m’a demandé de lui envoyer des papiers « avec un petit mot gentil puisque je le connais bien ». La formulation m’a surprise, mais je n’ai même pas demandé s’ils avaient parlé de moi, j’ai obéi. Je lui ai donc écrit, je l’ai rassuré sur mon état et pour le mettre à l’aise, je lui ai dit que j’attendrai aussi longtemps qu’il le faudra, je respecterai le niveau de relation de son choix. Ainsi j’étais libérée, il avait désormais toutes les cartes en main. Il pouvait rester le Maître du silence ou me demander la nature de ce que je reçois pour lui quand il sera prêt.

– C’était une période fabuleuse pour toi, dit Alicia.

– Certes du moins jusqu’à la révélation par Jil qu’il est l'esprit du père défunt de Mandro ! Et cela près d’un an après notre première rencontre avec Mandro.

– Je me souviens, dit Alicia, tu en as été bouleversée.

– Il y avait de quoi ! Toi aussi d’ailleurs quand je te l’ai dit et tu ne voulais pas me croire. Mais je n’avais pas le choix de croire ou non, je le vivais. D'ailleurs, comme en écho, le jour même de cette prise de conscience, mes enfants demandèrent à voir le film du soir en famille. C’était Ghost (« Fantôme »), un film vieux de presque dix ans que je n’avais jamais vu. 

– Synchronicité encore, dit Alicia. Et donc tu communiquais avec un fantôme.

– Un fantôme m’a contactée, moi je n'ai fait que répondre, et loin de moi toute tentation pour le spiritisme, je considère que c’est un « jeu » très dangereux de prendre l'initiative de contacter des âmes de défunts, des esprits. On ne joue pas avec le monde astral ou sacré de l'Au-delà.

– Je comprends, dit Alicia, mais ensuite Jil a répondu à certaines de tes questions.

– Je lui ai d’abord redemandé son prénom, il l’a répété plusieurs fois, mais je ne l’entends pas bien. Je perçois toujours le son « i » ou peut-être « j ». Il me recommande de ne pas le prononcer, l’énergie contenue dans ce mot serait trop forte pour moi actuellement. Énergie de qui, de quoi, mystère ! Il insiste sur le fait que seul le nom complet de Mandro me convient. Il se présente en « Maître des lumières » et me demande de continuer à obéir, de reprendre la prière sur un mode différent. Selon lui, j’ai beaucoup progressé, cela me permet maintenant de le voir.

– Et alors, demande Alicia, il ressemble à Mandro ?

– Non, il a un visage plus classique, un peu à la mode des anciens acteurs américains. 

– Comme Clark Gable ? Pas mal ! s’exclame Alicia, ça doit faciliter la communication !

Je hausse les épaules et réponds :

– J’ai plutôt eu l’impression d’avoir régressé : je n’avais plus de grande vision, d’extase sublime. A partir de là, la relation divine était plus intériorisée, plus subtile et moins spectaculaire. Je subissais un travail en profondeur, l’Amour faisait partie de moi, de chacune de mes cellules, de chacune de mes respirations. Par ailleurs, j’ai eu le sentiment totalement inimaginable pour une conscience ordinaire (la mienne avant cette histoire bouleversante) de connaître Mandro infiniment mieux que n’importe qui de mon entourage. Cet « esprit paternel » contribuait à me le rendre familier bien que personnellement je n’ai eu aucun intérêt pour ces données intimes.  Selon Jil, je devais apprendre à aimer de façon inconditionnelle, Mandro était mon frère d'âme. Et je voyais au-delà des apparences la merveille de son potentiel de réalisation, je l’aimais d’une façon toujours plus intense, en acceptant ses limites et ses faiblesses qui de plus m’étaient aussi enseignées. Cette vision ne ressemblait à rien de connu pour moi, elle me conduisait dans un domaine fabuleux inaccessible au langage, là où pourtant tout devenait évident.

– Une communion des âmes, c’est fantastique ! dit Alicia.

– Oui, mais je n’étais pas toujours à ce niveau. Quand je voulais suivre la voie de ma raison, c’était perturbant. D’autant que Jil m’a parlé de ce qu’il n’a pas réussi à faire pour son fils. A priori il se servait de moi pour achever sa mission, Mandro refusant le contact avec lui. En tout cas il le faisait avec une force implacable qui m’interdisait de nier sa présence comme j’étais pourtant parfois tentée de le faire. 

– Pour un traumatisme, c’en est un, dit Alicia. Tu m’avais alors dit que tu aurais préféré revenir à « ta petite vie normale d’avant ». C’était loin d’être confortable, tu étais embarquée dans quelque chose qui te dépassait complètement.

Je réfléchis quelques instants.

– Objectivement à ce moment-là lorsque j’acceptais ma « mission », j’allais mieux, toutes les contraintes de ma vie étaient allégées. Georges, « l’homme de ma vie » selon mes guides et moi étions plus proches. Il me suffisait de prier comme le maître me l’apprenait pour changer de niveau de conscience. Par contre quand je me révoltais ou banalisais pour revenir à ce qui me semblait « raisonnable », j’étais malade. Donc le choix était clair ! Autant je me sentais démunie, impuissante, incapable d’apporter à Mandro quoi que ce soit (je ne pouvais même plus lui parler de cette aventure incroyable, je ne voyais pas comment lui dire que l’esprit de son père se servait de moi pour le contacter et le protéger d’un danger éventuel), autant j’étais de plus en plus sûre de ma voie personnelle quand j’étais dans l’axe de cette nouvelle dimension.

– D’accord, nous allons donc continuer à descendre le cours de l’histoire, dit Alicia, mais après une pause. Si tu veux bien nous reprendrons après le déjeuner.

 

3

  

Alicia nous installe dans le salon pour que je me repose confortablement. Le repas fini, elle tient à faire le point et m’interroge d’abord sur mes guides. Je réponds :

– Je préfère ne pas rentrer dans les détails. Je peux seulement te dire que pour moi ils n’ont rien à voir avec des personnages de rêve ou de songe. Ce sont des présences à part entière avec une capacité d’action concrète dans ma vie, même si bien sûr je ne peux en apporter la preuve. Mon Bien-aimé est à mes côtés en permanence, plein d’amour et de sagesse ; Jil est le Maître des lumières et il m’a présenté le « Maître suprême », un personnage d’un charisme incroyable. Avec lui, le contact est simple, chaleureux, valorisant pour moi et si subtil que je ne peux rien écrire de ces merveilleux moments.

– Un vrai club… plaisante Alicia, avec quelques autres invités me semble-t-il, mais n’allons pas trop vite. J’aimerai que tu fasses un petit bilan de ton évolution, globalement positive à ce que nous venons de voir, de cette première année de vie dans une autre dimension.

– D’accord, le plus important me semble être la sensorialité, explorer chaque sens dans sa fraîcheur…

– Et en faire la synthèse dans le Sensorium Dei, ajoute Alicia, voie royale pour la dimension transcendante.

– On peut dire ça ainsi, c’est une forme de méditation qui relie au monde et aux êtres. Et surtout avec l’usage de la bougie… Peu à peu mes sensations se sont amplifiées jusqu’à faire exploser mes limites corporelles. D’ailleurs je peux me laisser toucher, embrasser, sans recul maintenant.

– J’avais remarqué ! confirme Alicia. Tu n’es plus sur la défensive au moindre contact, cela doit te changer la vie.

Je souris et dis :

– C’est en effet confortable de ne plus être perturbée par ces petits gestes du quotidien finalement si naturels et ce n’est pas le seul changement. J’acquiers surtout une qualité de vision globale comme si mes yeux pouvaient « saisir » contre moi, toucher, sentir ou goûter. Parfois c’est comme si je devenais ce que je vois : une pierre, une fleur, un homme...

« J’ai par exemple ressenti d’une façon très étonnante mais tout à fait réelle, certaines vérités exprimées par le langage populaire, par exemple le regard concupiscent « dévore ». Ce regard est physiquement agressif, (par son action probable sur le corps subtil), il donne à sa victime réduite à l’état d’objet sexuel, une sensation de « mains aux fesses ». Heureusement, l’action sur le corps subtil se manifeste aussi avec le regard caressant, accueillant comme s’il vous prenait tendrement dans les bras...

– C’est quoi ce corps subtil ? demande Alicia.

– Je ne sais pas très bien le formuler. Il semble perceptible par l’intuition, peut-être par le sixième sens. Il est dans une dimension différente du corps physique et pourtant tout aussi réelle, bien qu’inaccessible au raisonnement et aux sens ordinaires. Mon sixième sens, justement, s’était développé jusqu’à me faire découvrir comme de l’intérieur les sensations du corps d’un homme : le bien-être, la satiété, la légère ivresse, le désir mais aussi la douleur, les frustrations, la violence.

« Pourtant, je ne voulais rien savoir de lui, bien que j’acceptais de recevoir – à dire vrai je n’avais pas trop le choix – ce qui me permettait de mieux le connaître, de l’admettre dans son authenticité sans l’idéaliser, afin de mieux le servir. Je connaissais ses limites, ses faiblesses mieux que celles de mes proches et je connaissais aussi son potentiel de Réalisation, la trame de son destin, la fraternité d’âme qui nous lie.

– Et sur le plan personnel ? demande Alicia.

– A cette époque, début 99, je me sentais rajeunie, allégée, mieux dans mon corps, ma tête et ma vie : je récupérais un niveau d’énergie et de santé plus satisfaisant. Même si c’était fluctuant lorsque je refusais la situation et ma mission envers lui.

– En tout cas, constate Alicia, tu étais plus en accord avec toi-même.

– J’ai appris à m’accepter, à m’aimer comme je suis, dans mon rythme, mes perceptions, ma logique, mes valeurs différentes. C’était totalement nouveau. Auparavant j’étais plutôt dans la haine de ma propre personne.

– Tu es entrée dans l’amour, ajoute Alicia.

 Je souris en marquant un temps, je la regarde attentivement et lui dis :

– L’Amour, oui et j’ai été bouleversée de ressentir dans la réalité la plus intime de mon corps et de mon esprit que l’élan érotique est le fondement de la vie (et non un péché !). L’amour est l’énergie suprême, celle qui nous révèle l’Amour divin si nous nous laissons guider par son dynamisme ascensionnel sans nous égarer dans les haltes proposées à chaque étape par nos plus bas instincts. D’ailleurs pécher signifie en fait « se tromper de cible ».

– Encore un défi ! dit Alicia.

– Sûrement. Le plus difficile est peut-être de ne pas rester bloqué sur nos croyances et références culturelles. Mes guides m’aidaient d’ailleurs activement à dépasser ces barrières et leur action s’apparentait souvent à l’utilisation de dynamite psychique. Si c’était efficace, c’était parfois douloureux. Mais j’ai apprécié d’évoluer sur le plan spirituel d’une façon que je n’aurais jamais pu imaginer. Je bénéficie d’un lien divin personnel sur cette voie d’Amour où la rencontre de Mandro m’a propulsée. J’éprouve dans tout mon être l’Amour primordial qui me fait entrer en communion avec l’univers. Et puis, alors que seule la quantité, le groupe humain en général m’importaient, j’ai découvert la valeur inestimable de l’unique, de l’individuel en chaque être humain !

– Et donc ta propre valeur ? demande Alicia.

– Bien sûr. J’ai aussi pris connaissance de ma propre « mission » et j’ai vu ma vie sous un jour différent. Je n’ai plus besoin de courir après autre chose. J’expérimente ce qui se présente en m’efforçant d’évoluer en fonction.

– C’est une vraie discipline, commente Alicia.

– Pourtant, ma tendance naturelle me poussait plutôt vers l’évasion et la négligence. Vivre le présent, l’ici et maintenant, même dans les tâches ingrates ou contraignantes, les petits plaisirs, la créativité « gratuite », c’est la source de mon évolution et probablement la possibilité éventuelle d’une certaine forme de bonheur indépendant des conditions de vie ! 

– Beau programme ! approuve Alicia. C’est une façon originale de faire de ta vie une forme d’aventure.

– Je ne sais pas. En tout cas d’une certaine manière, j’aurais choisi ma vie, les expériences destinées à me faire grandir et progresser. Je vis les situations et les événements nécessaires, selon une notion de « karma » au sens évolutif et non punitif. En ce sens, mon expérience de vies antérieures avec Mandro a été profitable, non pour m’y complaire ou m’y réfugier, mais plutôt pour comprendre la continuité du fil de nos vies et les éléments déterminants de notre histoire commune. Pendant cette année décisive, j’ai découvert peu à peu ce qu’il fallait accomplir dans cette vie pour évoluer en fonction du passé (nous libérer l’un de l’autre d’un serment fait à un moment tragique, « servir » pour aider Mandro à la réalisation de son potentiel, vers son « royaume et sa reine », en évitant le danger éventuel lié à Toulouse…).

– C’était comme une sorte de voyage dans le temps, remarque Alicia.

– C’était surtout une expérience bouleversante. La découverte que je fais partie du Tout, de la trame de l’univers, je suis précieuse pour lui, même en étant toute petite. De façon certaine, je suis entrée dans une autre dimension du Réel, au-delà de la dualité, des oppositions, (du Bien et du Mal). A la place, je distingue désormais de l’accompli ou de l’inaccompli. Le monde ne m’apparaît plus hostile, il m’offre des opportunités ou des défis parfois sous un aspect négatif, pour favoriser mon évolution. A mon niveau, j’avais fait des choix qui m’ont semblé « terribles » et je les ai assumés, je n’ai pas fui, j’ai accepté ma part de la tâche pour avancer plutôt que de me laisser vivre en attendant que cela passe. J’ai osé écrire puis rencontrer un auteur prestigieux paraissant inaccessible et cela s’est fait tout naturellement !

– Finalement te connaissant mieux, malgré ta timidité, tu devenais peut-être plus habile dans les relations, dit Alicia.

Je fais la moue et réponds :

– Peut-être, au fur et à mesure de ma progression, j’identifiais mes limites, tout ce que je ne peux changer. Je reniais de moins en moins mes élans vitaux, mes émotions, ma sensualité, mes désirs : je les intégrais au plus haut, dans l’Amour absolu. J’acceptais de vivre la réalité de mon état sans dépenser mon énergie à refuser, à nier cette histoire étrange, ce qui me rendait malade ou me coupait des enseignements éventuels liés à mes souffrances. Je découvrais la source du dynamisme de la vie lorsque j’arrivais à en voir le juste niveau, l’aspect global.

– Et le lien avec Mandro ? demande Alicia.

– En fait, nous ne sommes pas vraiment séparés les uns des autres. Nous sommes interdépendants. Plus qu’une réelle séparation, je distingue une authentique particularité liée à notre nature propre et j’ai perçu la « splendeur » de l’autre dans sa différence. J’ai vu sous un aspect indescriptible de beauté, un être humain et j’ai appris à l’aimer selon ses aspects d’ombre et de lumière.

« Paradoxalement, cet amour m’a délivré de mes sentiments amoureux envahissants et douloureux envers Fabrice. Il m’a surtout permis de mieux aimer Georges, mes proches et les gens de mon entourage, comme s’ils étaient reliés à la source d’amour.

« Et puis j’ai appris que je ne suis pas mes états d’âme. Ils passent et sont si inconstants. Il me suffit d’attendre qu’ils s’en aillent, aussi profonds qu’ils paraissent de prime abord ! Je ne suis pas non plus mon rôle (mère, épouse, fille, sœur), ni mon statut professionnel, aussi gratifiant soit-il. J’ai par ailleurs découvert de l’intérieur que je ne suis pas plus mon corps et c’est un soulagement parce que, tu le sais, mes douleurs me confrontent souvent à ses limites contraignantes. Lorsque je souffre, je ressens mon corps comme une prison dont je cognerais les parois trop étroites. J’apprends donc à l’aimer, à le respecter comme un bon outil sans m’attacher à son aspect plus que nécessaire, à son juste entretien.

– C’est inouï de changer à ce point de modèle de pensée, remarque Alicia.

– Et oui, depuis j’éprouve une vraie libération par rapport aux obsessions de jeunesse permanente, de beauté ou de performance. Ils m’apparaissent comme des pièges dérisoires érigés actuellement en valeurs absolues dans notre société. Ce sont des repères trompeurs qui nous aliènent, le plus souvent sans critique de notre part, encore plus profondément que les anciennes valeurs de famille, travail, patrie dont nous avons pourtant voulu nous affranchir !

« Pourtant me déterminer selon ces critères était auparavant une seconde nature pour moi. Bien sûr cela ne se voyait pas parce que de toutes façons, quoi que je puisse faire, ces objectifs m’apparaissaient hors de portée. Cela ne m’empêchait pas de les considérer comme une référence et donc d’en souffrir !

– Ainsi le physique n’était donc plus important pour toi, dit Alicia étonnée avec une pointe d’inquiétude.

– Je ne le néglige pas, dis-je pour la rassurer, je dirai plutôt que j’ai appris à le mettre à sa juste place et surtout le travail de « connaissance de soi » m’apparaît désormais primordial. Même la reconnaissance sociale dont je bénéficiais pourtant fort généreusement ne me dispensait pas de cette discipline incontournable sur le nouveau chemin où j’étais propulsée.

– Et ce n’était pas un travail de tout repos ! commente Alicia.

Je confirme en silence et je reprends :

– Les restrictions et les contraintes sont inhérentes à notre nature. Elles ne limitent pas pour autant notre capacité d’accéder à la sérénité de l’âme. Elles ne signent pas l’imperfection. Elles balisent plutôt la voie pour nous faire progresser sur un autre plan. Nous sommes incroyablement plus importants que nos possessions (corps, biens, connaissances) ou nos actions inscrites dans la réalité matérielle. La connaissance de notre véritable nature n’est plus transmise maintenant. Nous sommes plus séduits par la facilité immédiate et la satisfaction de nos désirs primaires. C’est vrai que reconnaître notre nature et plus encore, l’assumer de façon concrète est un parcours personnel exigeant et difficile. Je n’y parviendrais pas par mes propres capacités sans les directives des maîtres qui me guident sur cette voie et surtout je n’en aurais même pas connu la possibilité.

– Je veux bien te croire, dit Alicia, ce que tu vis n’est pas courant ! Tu dois beaucoup à Mandro d’une certaine manière.

Je marque un temps d’arrêt et reprends :

– Certes et finalement après avoir maudit le jour où Jil s’est imposé à moi, je remercie la vie pour cette rencontre. Je remercie aussi Mandro, du fond du cœur, pour m’avoir tant apporté même si c’est à son insu, sans me bousculer, sans rien me prendre malgré mes tentatives maladroites de lui remettre ce qui m’a été confié pour lui. J’accède désormais à une perspective spirituelle fabuleuse et c’était inimaginable pour ma pauvre nature limitée et ignorante.

– Plus tant que cela, remarque Alicia.

– Je progresse en effet. D’autant que comme pour confirmer la validité et la réalité des états de conscience que je vis et qui ont été partagés par d’autres humains au cours du temps, j’en ai trouvé des échos bouleversants en cherchant dans divers ouvrages :

Le désir (Éros) sans limite qui conduit jusqu’à la plénitude.

La sensualité dans l’instant présent qui fait éprouver un sentiment de communion cosmique.

La découverte de l’Amour au-delà de l’être aimé qui englobe tous les aspects de la vie jusqu’au fondement primordial, dans une spirale de fabuleuse énergie...

– Tu trouves donc des réponses, dit Alicia.

– Oui, d’une certaine façon. Mais l’important sur cette voie me semble surtout le questionnement face aux faits tels qu’ils se présentent. Et le préalable est déjà d’admettre la « réalité » du phénomène, ce n’est pas une mince affaire. Heureusement parfois, j’ai effectivement des réponses. J’ai découvert début 99 une théorie récente sur le fonctionnement cérébral éclairé par les notions modernes de la physique quantique. La science la plus pointue me fournit des repères pour comprendre ce qui s’est passé sur un plan « subtil » par rapport à Mandro et peut-être à l’esprit qui s’est manifesté (j’ose à peine dire « son père »). Pour ce scientifique, Ervin Laszlo, d'après son livre Aux racines de l’univers, nous sommes plongés dans un champ d’ondes transmettant des informations. Notre cerveau ne reçoit que ce que sa configuration limitée et particulière peut recevoir, comme un poste de radio réglé sur certaines fréquences. Si la configuration cérébrale de deux êtres est suffisamment ressemblante, il peut y avoir réception des expériences communiquées sous forme d’ondes de l’un par l’autre. Cela peut expliquer mes sentiments de fraternité et de communication profonde ressentis avec Mandro. Par ailleurs, toute expérience (et donc peut-être celle du père de Mandro ?) se propage dans le champ d’onde où elle est conservée de façon permanente. Ainsi, pour un cerveau muni des bons codes d’accès, il est possible de la récupérer sans limites de temps ou d’espace ! Et si je ne comprenais pas tout, cela me rassurait plus que l’identification de mon état à une classification psychiatrique ! C’était pour moi une confirmation d’approche scientifique que j’étais sur la bonne voie !

– Ceci dit, tu vas maintenant retourner voir ta psychiatre, remarque Alicia, ne serait-ce que pour mieux te comprendre. Et moi, je vais m’arrêter là, je dois rentrer. Tu peux continuer seule à chercher les faits marquants de ton histoire pour le travail de mise en perspective avec la psy. Je te reverrai pour faire le point si tu veux lors des vacances de Pâques. 

– J’en serai heureuse et d’ici là peut-être que je serais guérie, j’aurais repris le travail…

– C’est tout ce que je te souhaite. En tout cas, déjà en plongeant dans cette première année déterminante pour toi, 98-99, je constate que tu as vécu un profond changement physique, psychique et spirituel, c’est loin d’être anodin. Sans compter l’accès à des connaissances qui se sont révélées justes. D’ailleurs à ce propos, mon ami toulousain, Hubert, va peut-être venir me voir à Pâques, tu pourrais le rencontrer, il vient de prendre sa retraite de journaliste…

J’avais eu des contacts avec cet homme par téléphone, il était très sympathique et m’avait bien aidée, en particulier à comprendre certains propos énigmatiques de Jil, mais je suis gênée qu’il me voit dans cet état.

Je réponds :

– On verra le moment venu comment je serai, je te remercie.

– Pas de quoi, répond Alicia, bon je me sauve. Tu diras au revoir à Georges et aux enfants de ma part. Je file, à bientôt.

Alicia a raison, en un an j’avais vécu un bouleversement total. Et dès 98 cette histoire était déjà inscrite comme en filigrane dans les songes survenus après avoir rêvé de mes vies antérieures (celles qui donnent sens au lien entre Mandro et moi, et donnent l’orientation de ce que l'on doit accepter ou accomplir pour se libérer). Je retrouve la quadrature d’amour conduisant vers l’unité, l’énergie primordiale répandue sur l’humanité, l’accomplissement selon les lois divines, l’amour dans sa dimension d’absolu. Pourtant, que de chaos, de pièges, de douleurs pendant un an. Ombre et lumière, ténèbres infernales et extases divines. Et si je suis maintenant plus sereine, comme abandonnée à la Volonté du Maître suprême, cet état reste fragile. Malgré mon désir premier de le servir, rien n’est acquis.

Quant à ce chemin, mon chemin, il est là où je me trouve. Ma tâche est dans mon quotidien tel qu’il se présente. Je m’efforce de laisser s’exprimer en moi, de mieux en mieux, l’amour transmis par le Maître suprême.

Et je poursuis le travail, comme me l’a suggéré Alicia. Dès que possible je reprends mon journal et ses notes.

 

 

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Le Trésor des Laures
  • Roman d'aventure intérieure. Estelle, médecin, se trouve plongée dans une autre dimension et conduite pour sauver un homme (le fils d'un père défunt qui l'a contacté) à apprendre à Aimer et à léguer un trésor occidental méconnu. Roman illustré par Estelle.
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