1999, Chapitres 5 et 6, TOME 1

5

Jeudi 28 Octobre 1999. Fête des Simon qui signifie « que Dieu a exaucé ». Saint Simon le Zélote était l’apôtre de Jésus le plus âgé. Très éprouvé, malade, il était devenu un sage, il a rassemblé les apôtres dispersés après la mort du Christ.

Tandis que je travaille, je fais un malaise après un pansement particulièrement difficile.

Un songe m’emmène aussitôt sur un champ de bataille. Je me retrouve aux côtés de ce chevalier m'ayant sauvé la vie afin que je l’accompagne dans sa quête. Il a une plaie affreuse à l’abdomen et je suis impuissante à le sauver. Il me fait promettre de revenir l’aider pour reprendre la mission, d’en être témoin et de la lui rappeler. Je lui promets sans y croire, afin qu’il meure en paix.

Je souffre de n’avoir pas su le guérir de cette plaie, puisque contrairement à ce qu’il croyait je n’avais aucun pouvoir. J'avais pourtant longtemps vécu dans un groupe d’initiés, ils m'avaient vouée au sacrifice. Était-ce un honneur ou était-ce pour avoir failli selon leurs critères ? J'avais pris l’engagement envers moi-même, au moment précis de la mort du chevalier, d’apprendre à sauver des vies. Mais il me faut bien accepter dans cette vie présente, mon impuissance à « guérir » (apprise grâce à mon métier actuel).

Tout au long des siècles, je pense l’avoir trahi, oubliant ma promesse. J'ai fui cette mission à laquelle je m’étais engagée envers lui. Je déplore aussi mon échec actuel, puisque Mandro refuse de m’entendre, d’essayer de se souvenir de sa vocation. Je porte comme une lourde croix cette double impuissance à le guérir autrefois et à lui transmettre aujourd’hui ce que j'ai reçu pour lui.

En songe, un Maître masqué me confirme ce que je viens de comprendre. Il ajoute :

– Ta croix, tu dois l’élever dans la lumière jusqu’aux étoiles, car c’est là sa place. Toi aussi tu as une nature d’étoile et tu dois élever ta croix selon cet axe vertical.

Je n’ai pas d’autre choix, ma santé, le sens de ma vie en dépendent. Les symboles de ce dernier songe sont évidents. Porter, c’est assumer sa part ; la croix, c’est ma mission ; la lumière, c’est l’axe de lumière reliant la terre et le ciel ; élever la croix, c’est utiliser l’énergie ascendante de l’amour éprouvé pour Mandro; l’étoile représente l’objectif, la part sacrée, l’union suprême ; quant à retrouver ma nature d’étoile, c’est devenir lumière selon la dimension divine.

Dimanche 31 Octobre 1999. Fête des Quentin, prénom en rapport avec le cinq, le cinquième. Saint Quentin était le cinquième enfant d’un sénateur romain au III° siècle. Venu témoigner de sa foi en Gaule, il fût décapité par un préfet romain pour avoir eu trop de succès dans son entreprise d’évangélisation.

En songe, je suis face au Maître suprême et l’interroge de nouveau sur mon rôle, ma mission.

Il me montre une boîte rouge en forme de cœur et me tend une clé. Ouvrant le cœur, j'y trouve trois brindilles, une grosse clé, un petit livre calligraphié en caractères de type hébraïques et, destinée à Mandro, une carte représentant les symboles de ses étapes vers le Trésor qui lui est promis. J'observe bien la clé. J'y repère trois encoches d’orientation différentes dans ses gorges percées chacune d’un trou. Les brindilles glissées dans ces trous se disposent harmonieusement selon trois directions dessinant un Y.

Lundi 1er Novembre 1999. Jour de la Toussaint, fête de tous les saints.

De nouveau en plein désarroi, je contacte le Maître suprême. Je me sens bloquée dans cette situation qui me paraît sans issue du fait de l’attitude de Mandro. Il me recommande de retourner près de la Pierre, site de pouvoir sacré, pour y « délier ce qui s’y est lié ».

Les enfants sont occupés calmement, Georges fait une longue sieste. Personne ne veut venir se balader, la situation est favorable. Malgré ma répugnance à inscrire mes songes dans la réalité concrète, je me rends donc près de la Pierre. Au retour, un songe me ramène devant le Maître suprême.

Je repose ma question :

– Que dois-je faire maintenant ?

– Aime-toi comme je t’aime.

Je proteste :

– Mais j'en suis indigne...

– Ne dis pas de sottises. Silence.

Il met son cœur en moi. Alors, je ressens de nouveau la Paix, l’Amour et la Plénitude totale.

Je décide de contacter Lotaire, le « sage qui sommeille » à la bibliothèque. Je me laisse guider en me mettant en état second, et je découvre d’abord un premier texte :

La clé de l’action de l’Esprit dans l’être est la communion de pensée entre deux êtres. Celui qui ne met pas à sa juste place la vie spirituelle et le plan de rencontre entre le divin et l’homme perd cette possibilité. Pour lui cette vie devient un impossible ridicule, un vide absurde.

L’homme découvre que l’Esprit est l’accomplissement et l’Esprit est au rang suprême si on le laisse se diriger vers l’autre.

Je me sens concernée mais, question réponse, je reste sur ma faim. Je trouve alors d’autres passages de Thomas MERTON, moine écrivain du XX° siècle, dans Le Nouvel Homme :

« L’homme ne se connaît pas pleinement aussi longtemps qu’il reste isolé dans son égoïsme individuel. Son identité ne s’éclaire que lorsqu’il fait face à l’autre. Nous sommes créés pour la liberté, pour les choix et les consécrations qu’entraîne l’amour le plus élevé.

«Nous découvrons et développons notre liberté en prenant précisément ces décisions qui nous sortent de nous-mêmes pour rencontrer les autres tels qu’ils sont. Mais nous sommes incapables de connaître et de faire l’expérience de la réalité d’une manière convenable si nous ne voyons pas les choses à la lumière de Celui qui est l’Être et le Réel.

«L’Esprit de Dieu qui illumine notre esprit de l’intérieur de nous-mêmes nous enseigne les voies d’une liberté qui seule nous permet d’entrer en contact spirituel avec ceux qui nous entourent. Grâce à ce contact, nous prenons conscience de notre autonomie, de notre identité propre. Nous découvrons ce que nous sommes. Et ayant fait cette découverte, nous sommes prêts à aimer et servir les autres. C’est le refus de l’homme de s’accepter tel qu’il est qui constitue l’essence même du péché originel.»

Peu après, un songe me confirme la nécessité de réaliser concrètement la carte des éléments symboliques destinés à Mandro et pourtant d’attendre le temps nécessaire avant de la lui remettre. A cette époque, je confie à Georges les grandes lignes de ma mission envers Mandro en lui recommandant de ne rien faire pour l’attirer ou le convaincre et d’être disponible si Mandro prend l’initiative de lui en parler. Georges fait preuve de compréhension. Conseillée par mes guides, je l’informe que cela peut être dangereux pour lui et qu’il a sa propre voie, aussi il n’insiste pas pour connaître la teneur des messages. Notre soirée se termine en apothéose d’amour.

En cherchant, je trouve de nouvelles références pour m’aider à mieux accepter : Marie Louise Von Franz, une grande jungienne spécialisée dans les contes, affirme que le « Soi » (au sens d’Être suprême) requiert un lien, un engagement envers d’autres personnes souvent bien précises.

Un autre auteur dont j'ouvre un livre au hasard, Henri Durville, parle d’une personne engagée dans une quête spirituelle devant coûte que coûte accomplir une œuvre dont elle sait le danger. L’essentiel dans ce cas est l’action, le programme tracé doit être mené à bien pour le bénéficiaire qui est rarement la personne elle-même.

Toutes ces lectures contribuent à me conforter dans ma conduite d’obéissance au service de ma mission envers Mandro. Je réalise en état modifié de conscience pour ne pas déformer ce qui m’est transmis, la Carte symbolique. Ce serait une sorte de carte guide vers le Trésor spirituel que je devine ? Je n’en comprends pas tous les symboles, ni le sens. Pas encore, me dit mon guide. Un jour « quand j’y serai, je saurai ».

Elle contient :

Une carte postale en couverture représentant la Vierge noire de Nantilly-Saumur et l’enfant ( qui est plus un jeune homme et tient une boule – détériorée – dans la main ) 

Page 1, la Pierre ( lien de génération Père-Fils ) avec à son pied une pomme contenant l’étoile à cinq branches. Sous un rabat apparaît l’Épée dans la Pierre au cœur en paillettes d’or, l’arme-épée « en l’Or ». Sont aussi représentées une étoile à six branches et une à huit branches. Sur un axe vertical figuré par un arbre, on trouve les éléments : Terre-Pierre, eau, air-ciel, soleil-feu. Je me souviens que selon Annick de Souzenelle, le Tétragramme, forme du Nom de Dieu, représente une Épée.

Page 2, figure une coupe « solaire » à base octogonale, six rais de lumière s’en élèvent, elle contient des serpents enroulés, l’un en forme de cœur, l’autre en forme d’œil. Et le cœur spiralé forme aussi en partie un œil. En hébreu le cœur se dit Leb, il correspond au « moi intérieur central » et l’œil se dit Ayin, c’est aussi la source… La coupe représente l’âme. Se laisser guider jusqu’à la Source de lumière par la sagesse du cœur et du troisième œil, celui de l’Esprit ?

Page 3 figurent des formes géométriques :

En haut, un Carré inscrit dans un Cercle puis un Rectangle. Au milieu un rabat dans une étoile à cinq branches s’ouvre en épousant la forme d’un homme de lumière.

Au centre un Losange-carré de trois « marches » s’ouvre au milieu sur une bougie rayonnante de huit rais de lumière.

En bas, un Labyrinthe dont le centre s’ouvre sur une « Rose d’or ».

Page 4, de bas en haut figurent :

Une Épée-Arme en or horizontale qui touche une Échelle verticale de neuf barreaux, le neuvième débouchant sur une Pyramide à sept degrés aux couleurs de l’arc-en-ciel centrée sur un triangle qui s’ouvre sur le cou du « serpent des étoiles » caché à l’intérieur sous un rabat.

Sous un rabat entre la page 3 et 4, apparaissent des Etoiles-constellations : un Serpent avec de part et d’autre deux oiseaux. Elles ne m’évoquent à ce stade aucune constellation connue, peut-être le Dragon et les Deux Ourses sous forme d’oiseaux ? Je sais juste par mon guide que « là naît la lumière ». Le soleil ? « L’illumination » ?

Beaucoup de mystères, mais une carte au Trésor ! Je me demande ce qu’en penserait Mandro si je la lui donnais. Pour l’instant je dois la garder jusqu’à ce qu’il comprenne l’importance de ce qui lui est proposé. Quant à moi le travail reste à faire, le « sauver » du danger qui le menace et recevoir pour lui les « révélations » au fur et à mesure du chemin.

Jeudi 4 Novembre 1999, fête des Charles qui signifie « homme, mari ». Saint Charles au XVI° siècle, noble, neveu du Pape, menait une vie fastueuse, jusqu’à ce que devenu conscient de ses devoirs il vive pauvrement, soigne les pestiférés, prenne soin de l’éducation des prêtres, avant de devenir cardinal.

En songe, je rencontre Jil, l’ex-Maître des lumières. Entouré d’êtres lumineux, il paraît très faible, il déclare :

– Je n’ai pas suivi la bonne voie, je perds mes forces. Je tiens à te dire quelque chose de très important. Ne transmets rien à mon fils tant qu’il n’est pas prêt. J’ai mis les savoirs et les pouvoirs en toi, il pourrait les utiliser, mais il n’en est pas encore digne. Regarde ce que je suis devenu. Toi, tu peux les utiliser, je vais te donner la formule.

Il semble s’affaiblir, il tend les bras. Ses compagnons forment une chaîne de mains autour de lui, il reprend alors le fier aspect du Maître des Lumières. Puis il prononce distinctement chaque mot d’une sorte de formule apparemment en latin. 

Cela s’accompagne de la vision sur un lieu élevé, (une montagne ?) des ruines vues précédemment au « sud de Toulouse ». Ce lieu est capable de sauver (Mandro ou l’humain en général ?). J’y vois dans un halo de lumière la silhouette d’un homme émettant des lumières irisées.

Je l’écoute fascinée, cependant je me souviens à temps des avertissements du Maître suprême. Je dis aussitôt :

– Je ne veux pas des pouvoirs qui ne me viennent pas du Maître suprême.

– Tu as le cœur pur, tu en es digne.

Soudain, il est comme aspiré en arrière, de nouveau faible et épuisé. Je suis expulsée de leur assemblée sans avoir eu le temps de lui demander ce que je pouvais faire pour lui.

Jil m’a choisie pour me révéler ses mystérieux secrets, cela signe probablement la fin de la possibilité d’une relation entre Mandro et moi. Quels sont ces savoirs bouleversants déposés en moi à mon insu ? A quoi sert cette formule mystérieuse? Est-ce une sorte de code d’accès ou une nouvelle étape sur cette voie où Jil m’a amenée ? Pourquoi l’utilisation, apparemment inadéquate, de tout ce savoir l’a mis dans cet état ? Et moi, comment vais-je m'en sortir ? Autant de questions sans réponse au sujet desquelles je contacte rapidement le Maître suprême. Il confirme que je ne dois pas utiliser la formule sous sa forme latine, je recevrai ce que je dois savoir au fur et à mesure de mon évolution.

J’ai fait un peu de latin, mais je m’aperçois que je n’ai pas noté de ponctuation. Jil avait détaché avec insistance chaque mot comme pour signaler un sens caché et non littéral. J’obtiens cette traduction imparfaite : Iris / maintenant / s’établit / plus grand (ou l’aîné) / non divisé(s) / contemplent (ou éprouvent) / la conjonction divine / élevée (ou haute) / désormais / paradisiaque / et vierge.

6

Vendredi 5 Novembre 1999. Fête des Sylvie dont l’étymologie évoque la forêt. 

Sainte Sylvie au VI° siècle fût la mère très pieuse et dévouée du très grand Pape réformateur, Grégoire I° dit Le Grand qui malgré une santé fragile fut l’un des quatre Pères de l’Église d’Occident.

En songe, je rencontre un être lumineux, il me hisse à son niveau. Son corps semble désarticulé et se transforme en deux serpents enlacés ondulants, l’un blanc, l’autre noir avant de reprendre une apparence humaine. Il me montre ainsi la simple expression du flux vital caractéristique de la vie, dans son perpétuel mouvement.

Au réveil, très intriguée par cette vision, je me fais guider par Lotaire à la bibliothèque. Je découvre divers rituels initiatiques complètement oubliés de notre civilisation. Cette initiation permet un accès direct, intérieur à des connaissances sacrées et secrètes, par le biais d’états modifiés de conscience. En moi, l’écho est intense. Aurais-je été transformée d’une façon si radicale par un processus comparable ? Est-ce de nouveau accessible dans notre époque prétendument rationnelle ?

Je recopie un texte de Marie Louise Von Franz qui semble apporter un éclairage :

« Quand on atteint les couches les plus profondes de l’inconscient, l’inconscient a tendance à prendre un style émotif et pathétique qu’il est difficile à l’homme moderne de supporter. Passer outre et prendre tel quel ce qui vient en se disant si mon âme parle ce langage, j’écrirai ce qu’elle me dicte et l’examinerai objectivement est un vrai test de courage.

La conscience doit s’abaisser et l’inconscient monter jusqu’à ce qu’au moment de la conversion se produise enfin une rencontre permettant l’unification de la personnalité.

Toute relation humaine est paradoxale : le sacré, le couple divin et le banal y coexistent. Sans le sens des valeurs propre à la fonction sentiment, on ne distingue pas ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Seul l’ordre inconscient peut réussir à surmonter le désordre inconscient. L’individu ne peut qu’être attentif au problème et tenir bon de la façon la plus désespérée jusqu’à ce que cet ordre se révèle. La loyauté à la loi intérieure est le plus haut degré du sentiment.»

Jeudi 23 Décembre 1999. Fête des Armand qui signifie « homme fort ». Saint Armand, originaire de Bavière, est un évêque italien réformateur du XII° siècle.

Un nouveau message m'est transmis en songe :

Si tu crois à cette histoire liée à Mandro, cela construit ta vie. Si tu n’y crois pas, cela la détruit ». Je reçois aussi la consigne de me taire jusqu’à ce que Mandro vienne vers moi et de préparer impérativement la carte contenant les éléments symboliques pour lui.

Vendredi 24 Décembre 1999. Fête des Adèle, prénom qui évoque la noblesse. Sainte Adèle était la fille de Dagobert II d’abord spolié puis Roi franc d’Austrasie au VII° siècle et lui-même canonisé. Elle a fondé une abbaye à Trèves (Allemagne) dont elle fut une remarquable abbesse.

Au moment où j'atteins des sommets d’état d’âme, un de mes proches avec lequel la communication sur d’autres plans de conscience était parfois possible est hospitalisé en psychiatrie.

Désintégration en plein vol, son fragile esprit humain n’a pas résisté à la pression qui s’exerce dans les hauteurs où il voulait s’élever. Je ressens, comme il m’en avait fait part voici quelques jours, une communauté d’âme avec lui et je prie de tout cœur pour qu’il revienne à ses bases tout en gardant espoir dans la lumière qu’il frôle parfois.

Malheureusement, c’est sous l’effet de drogues, cela ne lui permet pas de faire le travail nécessaire pour intégrer ses expériences ni par conséquent d’en bénéficier consciemment. Je mesure d’autant plus ma chance d’être guidée par mes maîtres d’une façon aussi attentive et précise (malgré ma pesanteur d’esprit et mes fréquentes périodes de doute), et ce au travers des écueils de cette voie dont je perçois bien maintenant les dangers et mon incapacité à y progresser de moi-même.

Mardi 28 Décembre 1999. Fête des Innocents, Innocent signifie « ne pas causer la mort ».

Je fais un songe de collier de perles et de Perle rare qui m’amène à vouloir reprendre le fil de cette aventure avec Alicia. Hélas, nous ne pouvons pas nous rencontrer aussi vite que prévu, car la tempête fait des ravages en France depuis deux jours. Arbres arrachés, inondation, électricité coupée quatre jours, toiture endommagée. Ces conséquences concernent notre maison, notre environnement et nos proches. Nous vivons en situation de crise pendant quelques jours en l’assumant concrètement au quotidien. Il nous faut relever défi après défi.